Livre blanc de l'archéologie préventive

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Le livre blanc de l'archéologie préventive

Cette contribution est en annexe du Livre blanc de l’archéologie préventive – Commission d’évaluation scientifique, économique et sociale de l’archéologie préventive.

Auteur(s) : GARCIA Dominique
FRANCE. Ministère de la Culture et de la Communication

Editeur : Ministère de la Culture et de la Communication

Date de remise : Avril 2013 – 138 pages
www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000214/index.shtml

 

Position de l’association Halte au Pillage du Patrimoine Archéologique et Historique sur le détecteur de métaux en archéologie préventive et la protection des vestiges

L’archéologie préventive est l’une des formes de sauvegarde du patrimoine national. Elle utilise dans le cadre de chantiers préalables à tout aménagement un ensemble de méthodes de terrain propres à organiser la destruction maîtrisée des vestiges, l’enregistrement des données, la collecte des mobiliers, des échantillons de sédiments… à en poursuivre l’étude, à les archiver et les préserver pour des recours scientifiques et patrimoniaux ultérieurs.

L’actualité récente, tout autant que des dossiers remontant à la fin des années 1960, démontrent que les chantiers de fouilles de sauvetage hier, et d’archéologie préventive aujourd’hui, ont toujours eu à pâtir de l’utilisation non scientifique des appareils de détection électromagnétique.

Forte de sa réflexion et de ses observations, l’association Halte au Pillage du Patrimoine Archéologique et Historique, loi 1901 et agréée par le Ministère de la Culture et de la Communication, tient à faire part de sa position sur l’utilisation des détecteurs de métaux par les archéologues préventifs et les organismes agréés mais également sur le volet des utilisateurs clandestins de ses appareils et de la protection des vestiges.

S’il apparaît que les détecteurs de métaux peuvent jouer un rôle non négligeable dans la chaîne opératoire sur le terrain, il convient de rappeler que leur utilisation s’accompagne de règles fixées par la loi, notamment celle de 1989, et de principes qui, bien que d’ordre déontologique, ont une évidente implication scientifique.

Pour compléter notre propos, nous joignons à ce document les recommandations du CNRA et une présentation détaillée de l’association Halte au Pillage du Patrimoine Archéologique et Historique.

 

Sur l’usage du détecteur de métaux dans la chaîne opératoire

La première observation concerne l’acquisition et le recours à ce type d’appareil. Le responsable d’une opération d’archéologie préventive peut formuler une demande d’utilisation de détecteurs de métaux auprès du service prescripteur. Idéalement, cet outil peut être mentionné dans le Projet Scientifique et Technique de l’opération. Encore faut-il que les opérateurs agréés, publics et privés, soient équipés de ce type d’appareils. Une difficulté est à souligner quant à leur achat par les opérateurs publics : en France, les appels d’offres sont trop souvent remportés par des boutiques prônant l’archéologie clandestine, et par conséquent en infraction avec le Code du Patrimoine. Une clause particulière dans le cahier des charges devrait être imposée sur la déontologie des entreprises les commercialisant. De nombreuses enseignes travaillant pour la sécurité et l’agroalimentaire peuvent être candidates à ces appels d’offre, et exclure les boutiques de « détection de loisir ». Le vivier de fournisseurs n’est en rien restreint par cette exigence de bonnes pratiques.

La deuxième observation que nous formulons est que la manipulation de ces appareils doit être confiée aux salariés de l’organisme agréé et non recourir à des tiers extérieurs (associations liées à des enseignes et fouilleurs clandestins). Plusieurs affaires illustrent que des groupes de fouilleurs clandestins se raffermissent dans leur position après avoir été sollicités par des archéologues du préventif. En plus d’avoir recours à des bénévoles non conventionnés dans un cadre professionnel, ces archéologues sont en porte-à-faux par rapport à la préservation de notre patrimoine national, dans une posture complice.

En troisième lieu, nous soulignons que le recours au détecteur n’est pas exempt de méthodologie. Il ne s’agit pas de circuler de manière erratique sur les niveaux archéologiques. L’appareil peut être utilisé rigoureusement dès le décapage pour repérer les indices métalliques non visibles dans les sols superficiels. Sur les niveaux étendus, des carroyages ou des corridors peuvent être mis en place et optimiser la collecte de données, en la doublant par un relevé en trois dimensions et rattachement à l’unité stratigraphique. De même, le détecteur n’autorise pas des comportements frénétiques. Les signaux produits par le détecteur doivent être matérialisés par un repère dans les sédiments et non donner suite à des picotages des surfaces ou des piochages aléatoires susceptibles de détruire des éléments fragiles et complexes (ateliers de fondeurs, sépultures, dépôts…). L’utilisation de cet appareil n’est pas non plus un encouragement à favoriser une collecte des objets métalliques, ou même à opérer des sélections typologiques. Les gestes de fouilles se doivent d’être scientifiquement égaux pour tout les types d’artefacts et matériaux. Un principe prévaut à l’utilisation du détecteur sur les chantiers préventifs : il doit être considéré comme un atout, et non comme une priorité.

 

Sur le pillage et la protection des chantiers

La libre commercialisation des détecteurs de métaux en France a pour conséquence leur utilisation quasi-systématique par des milliers de prospecteurs et fouilleurs clandestins. L’archéologie préventive est une cible privilégiée :

  • Les chantiers sont des lieux de travail ordinaires pour les salariés, et sont donc désertés en dehors des horaires de service.
  • Les méthodes de terrassement et de décapage sur de vastes surfaces (souvent plusieurs hectares) mettent à nu l’ensemble des vestiges avant même que les archéologues n’aient le temps d’investir les terrains. Le risque de pertes de données par le pillage en est d’autant accru.
  • Le contexte environnemental et les contraintes techniques ne permettent pas de clôturer ces chantiers (zone de diagnostic sur des dizaines d’hectares, diagnostic INRAP de Noyon, Oise, en 2010 ; ou d’Allonnes, Eure-et-Loir, en 2011).
  • S’ils sont clos, cela n’empêche pas les intrusions et les saccages (fouille INRAP de la nécropole de Caudebec-lès-Elbeuf, Seine-Maritime, en 2012).

L’association Halte au Pillage du Patrimoine Archéologique et Historique a remis en 2009 un rapport au CNRA [1] comprenant des solutions pour endiguer le commerce et l’usage des détecteurs de métaux par des particuliers, peu ou prou installés en réseaux de trafics d’objets archéologiques. Le CNRA, suite à l’affaire de Noyon, a remis des recommandations identiques au Ministère de la Culture.

Plusieurs systèmes électroniques pour contrer l’intrusion des détecteurs de métaux sur les chantiers préventifs ont été mis au point après des essais en conditions réelles. Ces appareils ont apporté entière satisfaction aux archéologues. Si un modèle a été salué par la CIRA Grand-Ouest lors d’une opération programmée en 2011, il est à déplorer que ces dispositifs connaissent un succès grandissant auprès des associations de bénévoles et des opérateurs étrangers, mais pas auprès des organismes d’archéologie préventive nationaux. Si ceux-ci préfèrent recourir à des prestations de gardiennage, leurs coûts sont sans commune mesure avec les taux d’amortissement des dispositifs anti-détecteur de métaux.

Ce manque d’intérêt est symptomatique de la place que la préservation des vestiges occupe dans la hiérarchie des préoccupations des responsables d’opération, entre le maintien des délais et la sécurisation des personnes. C’est un paradoxe criant : la présence même de ces vestiges justifie l’archéologie préventive.

C’est seulement une fois toutes ces précautions réunies (utilisation du détecteur de métaux raisonné, protection des sites) par les archéologues du préventif, que le mobilier métallique, même le plus anodin, garde sa véritable valeur archéologique, historique, dans un contexte fiable.

Nous saisissons donc l’opportunité du Livre Blanc pour demander l’application des mesures proposées par le CNRA sous l’angle de leur conséquence dans le champ de l’archéologie préventive. Le pillage archéologique avec détecteur de métaux est un vandalisme réel qui occasionne un surcoût croissant en matière de protection et d’orientation des stratégies des équipes préventives, doublé d’une perte en données scientifiques non quantifiable. La banalisation de l’usage des détecteurs par les archéologues est un premier pas pour juguler les pertes mais il ne doit pas dispenser la prise de responsabilité des pouvoirs publics et des organismes agréés pour que les trafiquants de biens culturels ne puissent plus s’approvisionner sur les chantiers archéologiques.

 

Jean-David Desforges, président de l’association HAPPAH, archéologue contractuel de l’archéologie préventive
&
Jean-Jacques Grizeaud, membre d’honneur de l’association HAPPAH, archéologue INRAP

[1] Compagnon G., Desforges J.-D., Pautrat Y. et Schoellen A. – Utilisation des détecteurs de métaux en France : cadre réglementaire, état des lieux et perspectives, Rapport à l’intention du Conseil National de la Recherche Archéologique, Association Halte au Pillage du Patrimoine Archéologique et Historique, septembre 2009, 76 pages.

 

 A lire aussi :

happah10.canalblog.com

www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Archeologie/Livre_blanc

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